🩺 Le métier de chirurgien vers 1700
Entre bistouri, anatomie… et reconnaissance tardive
Quand on pense Ă la mĂ©decine d’autrefois, on imagine volontiers les grands mĂ©decins en perruque, doctement installĂ©s derrière des traitĂ©s latins. Mais la rĂ©alitĂ© des soins Ă©tait bien plus sanglante – et souvent confiĂ©e Ă un autre corps de mĂ©tier : les chirurgiens. En 1700, c’Ă©tait eux qui saignaient, coupaient, recousaient, soignaient les plaies de guerre, rĂ©duisaient les fractures, ouvraient les abcès, posaient les ventouses.
C’est dans ce monde que Simon Lebrun, maĂ®tre chirurgien et officier de la Maison de Madame la Dauphine, a exercĂ©.
🧑🎓 Une formation rigoureuse, mais méprisée
Contrairement aux mĂ©decins, qui Ă©tudiaient Ă l’universitĂ© et se consacraient aux maladies "internes", les chirurgiens Ă©taient formĂ©s par compagnonnage, auprès d’un maĂ®tre. On apprenait en observant, en rĂ©pĂ©tant les gestes, en dissĂ©quant parfois des cadavres.
Après plusieurs annĂ©es, l’Ă©lève pouvait se prĂ©senter Ă un examen de maĂ®trise, souvent dans une ville disposant d’une corporation reconnue. Ă€ Paris, la CommunautĂ© des maĂ®tres chirurgiens jurĂ©s de Saint-CĂ´me Ă©tait la plus influente. On prĂŞtait alors serment, devenait maĂ®tre… et pouvait exercer.
Mais cette reconnaissance n’effaçait pas tout. Les chirurgiens Ă©taient longtemps vus comme des artisans manuels, Ă mi-chemin entre le barbier et le bourreau. Les mĂ©decins de la FacultĂ©, eux, les mĂ©prisaient, considĂ©rant la chirurgie comme indigne d’un homme savant.
⚖️ Une hiĂ©rarchie très marquĂ©e
En 1700, la profession de chirurgien est déjà structurée. On distingue :
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Le chirurgien-barbier, qui pratique aussi la tonsure, les saignées, les soins quotidiens.
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Le maître chirurgien, reçu par la maîtrise, libre de former, de signer ses diagnostics, et souvent plus respecté.
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Le chirurgien hospitalier, rattachĂ© Ă un hĂ´pital (HĂ´tel-Dieu, CharitĂ©…).
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Et tout en haut : le chirurgien de Cour, Ă l’image de Simon Lebrun, qui sert dans la Maison royale ou princière, avec rang, livrĂ©e et gages.
Ces derniers accĂ©daient parfois Ă une notabilitĂ© proche de celle des mĂ©decins, surtout quand ils servaient la famille royale ou rĂ©alisaient des interventions spectaculaires. Le cas le plus cĂ©lèbre reste Charles-François FĂ©lix, qui soigna la fistule anale de Louis XIV en 1686 et fut rĂ©compensĂ© par titres, terres… et fortune.
đź§Ş Une science en mutation
La fin du XVIIe siècle est une période de bascule. La chirurgie devient plus scientifique :
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On pratique davantage la dissection anatomique,
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On commence à publier des traités illustrés,
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On dĂ©bat de circulation sanguine, d’instruments, de techniques,
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Et on tente de se dĂ©tacher de l’image du simple exĂ©cutant manuel.
En 1731, quelques annĂ©es après la mort probable de Simon Le Brun, est fondĂ©e l’AcadĂ©mie royale de chirurgie, avec le soutien de Louis XV. Elle symbolise enfin la reconnaissance institutionnelle des chirurgiens comme praticiens savants, Ă part entière.
đź’¬ En conclusion : des mains, et de l’intelligence
En 1700, ĂŞtre chirurgien, ce n’est pas seulement manier le scalpel. C’est gagner sa lĂ©gitimitĂ© dans un monde oĂą les intellectuels règnent, mais oĂą les gestes sauvent.
Simon Lebrun, par son parcours, incarne ce moment de bascule : maĂ®tre respectĂ©, formĂ© Ă l’ancienne, mais reconnu Ă la Cour. Un homme entre deux mondes : celui de l’artisan et celui du scientifique.
đź‘‘Le chirurgien de Cour : un poste prestigieux, mais exigeant
À la fin du XVIIe siècle, certains chirurgiens accédaient à un poste envié : celui de chirurgien de Cour. Loin du cabinet de quartier ou des hôpitaux de charité, ces praticiens officiaient au sein des Maisons royales ou princières, auprès des nobles, des dames de la Cour et de leur entourage.
Ils Ă©taient chargĂ©s de soigner les blessĂ©s, d’effectuer les saignĂ©es rĂ©gulières, de surveiller l’Ă©tat de santĂ© des chevaux, parfois mĂŞme d’accompagner la Cour en dĂ©placement. Ils recevaient des gages fixes, logeaient parfois dans les dĂ©pendances des Ă©curies ou des palais, et portaient la livrĂ©e de leur Maison. Leur rĂ´le exigeait savoir-faire, discrĂ©tion et loyautĂ©.
C’est ce qu’incarne Simon Lebrun, chirurgien attachĂ© Ă la Maison de Madame la Dauphine. Son double poste – il dĂ©tenait les deux charges prĂ©vues Ă l’Ă©curie – souligne la confiance et la compĂ©tence qu’on lui reconnaissait. Il appartenait Ă cette Ă©lite silencieuse qui, avant l’AcadĂ©mie royale, faisait dĂ©jĂ honneur Ă la chirurgie.
📚 Sources historiques
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Jacques GĂ©lis – La naissance en Occident
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Jacques Jouanna – MĂ©decine grecque et mĂ©decine moderne
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Jean-Pierre Goubert – La conquĂŞte de la santĂ©
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Archives de la Maîtrise des chirurgiens de Paris (Bibliothèque interuniversitaire de santé)
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Documents Gallica sur les chirurgiens de la Cour et le personnel médical royal


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