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Catherine Joseph LAISNE (1792- ) - abandon et retrouvailles

Catherine Joseph “SAMOS” (1792) : l’enfant trouvée qui révèle les débuts tourmentés de la famille Laisné

Une enquête généalogique entre abandon, secret, amour et reconstruction — de Lille à Gaillon-sur-Montcient


🔎 1. Avant tout : mon ancêtre est Julie Adélaïde

Mon ancêtre directe n’est pas Catherine Joseph, mais sa sœur cadette :

👉 Julie Adélaïde LAISNÉ,
née le 9 mai 1795, à Gaillon-sur-Montcient.

Mais l’histoire de sa sœur aînée — Catherine Joseph “SAMOS”, née en 1792 — est essentielle pour comprendre comment et dans quelles conditions ses parents ont fondé leur famille.

Catherine n’est pas mon ancêtre,
mais elle explique le passé qui a rendu possible la naissance de la mienne.


2. 📜 Le choc de départ : un mariage, un nom étrange

Tout commence dans l’acte de mariage du 26 mars 1816 à Meulan.




Catherine Joseph Laisné...fille naturelle née sous les prénom et nom de Catherine Joseph Samos,
et par eux légitimée...
 

Samos” ?
Un mot qui n’appartient à aucune lignée connue.

Et un détail stupéfiant :
➡ Catherine n’a été officiellement reconnue par ses parents qu’à l’âge de 24 ans.

Mon enquête démarre ici.


3. 🗝️ Le nom “SAMOS” — l’indice clé

Au XVIIIᵉ siècle, dans le Nord, des enfants sont nommés :

  • Samos

  • Simos

  • Limos

  • Dimos

  • Ramos

Ces noms sont attribués par l’officier d’état civil aux enfants :

➤ trouvés dans la rue

➤ abandonnés par nécessité

➤ nés anonymement

Catherine Joseph a été abandonnée à la naissance.


4. 📜 L’acte de naissance : une enfant déposée dans la rue

Je trouve enfin l’acte.



Catherine Joseph Samos,
nouvelle née trouvée hier au soir,
à dix-huit heures,
rue de la Clef…
 

Déclaration :
non par une mère,
non par une sage-femme,
mais par un sergent des gardes.

Aucun parent mentionné.
Baptême immédiat.

C’est le scénario classique d’un abandon de la misère.


5. ✏️ L’énigme de la rature du “17 mai 1792”

L’acte commence par :

Le dix-sept mai mil sept cent quatre-vingt-douze

→ puis la date est barrée.

Pourquoi ?

Parce que l’acte a été reporté en retard dans le registre.
L’officier écrivait en série les actes du 17 mai,
puis on lui apporte ce rapport d’enfant trouvée.

Il commence l’acte avec la date du jour…
se rend compte que ce n’est pas correct…
barre le mot…
et note le 28.

Pratique courante dans un registre révolutionnaire bouleversé.

On ne connaîtra jamais :

  • la date exacte de naissance,

  • ni celle du dépôt,

mais l’enfant était clairement un nouveau-né, trouvé en mai 1792.


6. 🌪️ Lille en 1792 : une ville qui produit des abandons

Mai 1792, Lille est au bord de la guerre.

La misère est extrême :

  • prix du pain multipliés,

  • chômage,

  • garnisons immenses,

  • violences,

  • famine,

  • femmes seules et sans soutien.

Les abandons d’enfants atteignent des chiffres terribles.

Catherine est l’une de ces victimes anonymes de la crise.


7. 👩‍🍼 Mais alors, où est Julie Joseph Mahieu ?

En 1816, Julie se présente au mariage de Catherine
et la reconnaît comme sa fille.

Elle est donc la mère biologique.

Mais alors :

Pourquoi n’a-t-elle pas déclaré l’enfant ?

Pourquoi l’avoir laissée dans la rue ?

Pourquoi l’avoir “abandonnée” pour de bon… puis retrouvée ?

La réponse la plus cohérente :

✔ Julie était servante en 1792

Grossesse hors mariage =
➡ renvoi immédiat,
➡ perte de logement,
➡ déshonneur,
➡ survie impossible.

✔ Elle accouche en secret

Très fréquent.

✔ Elle n’a matériellement pas les moyens de garder le bébé

Elle choisit la seule option permettant de le sauver :
le dépôt anonyme.


8. ⭐ Hypothèse plausible : Julie récupère Catherine AVANT de quitter Lille

Voici la reconstruction la plus logique :

🔹 Étape 1 : Julie rencontre Jean Jacques à Lille (1792–1793)

Jean Jacques est certainement réquisitionné ou engagé volontaire comme charretier pour l’armée ou l’intendance.

⚔️ Contexte militaire et appel aux volontaires

  • En 1791–1792, la France manque d'hommes pour défendre les frontières face à l'Autriche et à la Prusse.

  • Le décret du 21 juillet 1791 crée les bataillons de volontaires nationaux.

  • La loi du 6 mars 1792 permet aux jeunes hommes célibataires de s'engager volontairement, en particulier dans les régiments stationnés au nord.

  • Lille, grande ville fortifiée, est l’un des points de mobilisation militaire majeurs du royaume puis de la République.

🐴 Le métier de charretier = rôle stratégique en armée

Le fait qu’il soit charretier en 1823 confirme un savoir-faire ancien en transport, chevaux, et entretien.

  • Les charretiers civils étaient souvent réquisitionnés ou embauchés par les armées.

  • Ils assuraient :

    • Le transport de vivres,

    • L’évacuation des blessés,

    • Le déplacement des troupes et des munitions.

🔹 Étape 2 : Julie lui avoue qu’elle a un enfant

Un bébé qu’elle n’a pas pu garder, qu’elle regrette, dont elle porte la douleur et la honte.

🔹 Étape 3 : Jean Jacques décide de la soutenir

Et probablement aussi de soutenir l’enfant.

C’est cohérent avec son caractère et les valeurs rurales de l’époque.

🔹 Étape 4 : Avant de quitter Lille, ils se rendent à l’hospice

Là où les enfants trouvés sont domiciliés.

Ils demandent l’enfant.
Ou Julie réussit à prouver qu’elle en est la mère.
Ce qui était possible, mais rarement documenté.

Ils récupèrent Catherine.

🔹 Étape 5 : Ils quittent Lille ENSEMBLE

Et s’installent à Gaillon-sur-Montcient, le village natal de Jean Jacques.


9. 👧 1795 : la naissance de Julie Adélaïde — leur premier enfant stable

Trois ans après l’abandon de Catherine, et après leur installation à Gaillon, Julie met au monde :

👉 Julie Adélaïde,
le 9 mai 1795,
“du légitime mariage”.

C’est elle qui deviendra mon ancêtre.

Catherine, sa demi-sœur, a ouvert le chemin de cette famille recomposée.


⭐ Conclusion : Catherine n’est pas mon ancêtre, mais elle explique mon ancêtre

Catherine Joseph “SAMOS” révèle :

  • la misère de Lille en 1792,

  • la condition fragile des servantes,

  • la douleur d’une jeune femme contrainte d’abandonner son bébé,

  • la rencontre décisive avec Jean Jacques,

  • leur décision de reprendre l’enfant,

  • leur départ pour Gaillon,

  • et enfin la naissance de Julie Adélaïde,
    celle dont je descends.

Catherine n’est pas l’aïeule.
Elle est le prélude tragique et fondateur à l’histoire de ceux qui le deviendront.


🔍 Questions encore ouvertes… et pistes pour la suite

Malgré les avancées de cette recherche, plusieurs zones d’ombre demeurent.
La première — et la plus intrigante — est l’absence totale d’acte de mariage entre Julie Joseph Mahieu et Jean Jacques Laisné.
On sait avec certitude qu’ils sont mariés avant mai 1795, puisque la naissance de leur fille Julie Adélaïde indique qu’elle est née « du légitime mariage ».
Mais et quand ce mariage a-t-il été célébré ? Lille, Gaillon, un village du Vexin, une paroisse de passage sur la route du retour ? À ce jour, aucune trace n’a été retrouvée.

De même, le parcours exact de Catherine Joseph “Samos” entre son abandon à Lille et son intégration dans la famille Laisné reste largement invisible dans les archives :
à quel moment Julie a-t-elle réussi à récupérer sa fille ?
Comment l’enfant a-t-elle quitté l’hospice — ou la nourrice — pour rejoindre le couple ?
A-t-elle grandi à Lille avant de partir ? A-t-elle été reprise immédiatement après la rencontre entre Julie et Jean Jacques, ou quelques mois plus tard ?

Enfin, la question de la paternité biologique de Catherine demeure ouverte.
Jean Jacques l’a reconnue en 1816, mais l’acte n’apporte aucune certitude sur un lien de sang.
S’agit-il d’un geste d’amour, d’un choix moral, d’un engagement envers Julie, ou bien d’une véritable filiation ?

Ces questions non résolues laissent encore des pistes à explorer et donnent toute sa profondeur à cette histoire familiale.
Elles rappellent aussi que, dans les généalogies du XVIIIᵉ siècle, les silences, les secrets, les disparitions d’actes et les absences d’indices font partie intégrante du récit — et qu’ils sont parfois aussi révélateurs que les documents que l’on retrouve.



📚 Sources : 

Archives municipales de Lille (Registres 1792),
Pierre Guillaume, L’Enfant abandonné en France,
Jean-Pierre Jessenne, Lille et la Révolution française,
Hervé Leuwers, La Révolution dans le Nord,
Archives du Nord, Série Q « Assistance publique »,
Jacques Gélis, La maternité : histoire des mères et de l’enfant,
etc.






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