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Dossier de naturalisation - Jean Brischnatz

 

✦ 1. Ce que je savais au départ : un acte de décès… et rien d’autre



Les recherches sur Jean BRISCHNATZ ont commencé avec un seul document :
son acte de décès, dressé à Marckolsheim le 4 mai 1835.

C’était la seule source solide que j’avais en main, et elle posait plus de questions qu’elle n’apportait de réponses.

Cet acte m’apprenait trois choses :


✔ 1) Un lieu de naissance inconnu : “Charlewitz, département d’Autriche”

La mention exacte dit :

« né à Charlewitz, département d’Autriche »

Problème majeur :

  • ce lieu n’existe sur aucune carte actuelle,

  • il n’apparaît dans aucune liste de villages anciens,

  • ni dans les anciennes divisions de l’empire d’Autriche,

  • ni dans les dictionnaires géographiques de la Bohême ou de la Moravie.

Première impasse totale :
➡ Le lieu de naissance n’était pas identifiable.


✔ 2) Une date de naissance approximative

L’acte indique qu’il est décédé :

« âgé de cinquante-huit ans »

Cela donne une naissance autour de 1776–1777, mais sans précision.
Impossible d’avancer avec une date aussi approximative, surtout pour un ancêtre né “à l’étranger”.


✔ 3) Sa profession : “douanier retraité”

C’était la seule indication concrète sur sa vie d’adulte.

On apprenait qu’il avait été douanier, puis retraité, ce qui impliquait :

  • un emploi dans l’administration française,

  • donc une présence durable sur le territoire,

  • et probablement une naturalisation
    mais rien n’était encore confirmé.


✦ 2. Ensuite, les enfants : la piste alsacienne

Ne pouvant rien faire avec son lieu de naissance, j’ai commencé par reconstituer la famille à partir des enfants.

Voici ce que j’ai trouvé :

1er enfant – Anna Maria (1797)

📍 Rittershoffen (Bas-Rhin)
📅 2 juillet 1797

Cette naissance prouvait que Jean BRISCHNATZ était en Alsace dès 1796–1797.


✔ Puis deux autres enfants à Rittershoffen

📅 1798
📅 1801
📍 toujours Rittershoffen

Donc la famille vit dans le même secteur au moins jusqu’en 1801.


✔ Ensuite un grand mouvement géographique

  • 1808 : un enfant à Pforz (Allemagne)

  • 1810 : un enfant à Strasbourg

  • 1812 : un autre enfant à Strasbourg

  • 1814 : le dernier enfant à Marckolsheim

Ces déplacements successifs témoignaient d’une mobilité inhabituelle pour une famille alsacienne de cette époque.


✦ 3. Sa femme : une Alsacienne de Rittershoffen

En retraçant les baptêmes des enfants, j’ai pu identifier son épouse :
Anne Marie LEHE, native de Rittershoffen, fille d’un tisserand.

Pour elle, les registres étaient très complets :
➡ j’ai retrouvé ses ascendants sans difficulté.

Mais pour Jean, le blocage était total :

  • aucun mariage trouvé avec Anne Marie LEHE,

  • aucune trace avant 1797,

  • aucune piste sur son origine “Charlewitz”,

  • aucune certitude sur son arrivée en Alsace.


✦ 4. Résultat : un mur généalogique complet

Avec ces éléments, j’étais dans une situation typique :
tous les actes français étaient trouvés,
mais l’origine étrangère restait introuvable.

➡ Le lieu de naissance était faux.
➡ La date de naissance était imprécise.
➡ Aucune trace avant 1797.
➡ Pas de mariage.
➡ Pas d’acte de naissance dans les registres en ligne tchèques.

Je savais seulement :

  • qu’il était étranger,

  • qu’il était douanier (donc intégré à l’administration),

  • qu’il était en Alsace dès 1796–1797,

  • et qu’il avait une vie avant cela… totalement invisible.

Il fallait une autre piste.

C’est à ce moment-là que j’ai basculé vers une recherche différente :
les naturalisations.



✦ 5. La bascule : la découverte du décret de naturalisation

Après avoir réuni tout ce qui était disponible en Alsace (décès, enfants, épouse…),
il restait une seule piste à explorer :

Et si Jean BRISCHNATZ avait demandé la nationalité française ?

J’ai alors consulté les Bulletins des Lois, ancêtres du Journal officiel.
Et là, tout a changé.

Je tombe sur cette ligne :

« Le Sr Brichnatsch (Jean), né le 23 octobre 1776 à Merlenschütz en Bohême, préposé des douanes royales en retraite, demeurant à Marckolsheim. »

 


Ce petit paragraphe — à peine quelques lignes — contenait trois révélations majeures :

✔ 1) Son nom sous une autre forme : Brichnatsch

C’est la variante qui a permis de confirmer que toutes les orthographes (Brischnatz, Brischnatsch, Brichnatsch…) désignaient bien le même homme.

✔ 2) La date exacte de naissance : 23 octobre 1776

Ce n’était plus une estimation à partir de son âge,
mais une date précise, donnée par l’administration elle-même.

✔ 3) Le lieu de naissance sous sa forme administrative : Merlenschütz

Ce mot, inconnu dans les cartes modernes, allait devenir la clé.
Car “Merlenschütz” est une germanisation administrative
→ ce qui expliquera plus tard pourquoi “Charlewitz” était introuvable.


✦ 6. La demande aux Archives nationales : une simple lettre pour un trésor

Grâce au décret, je possédais :

  • son nom exact tel qu’écrit par l’administration,

  • le numéro du dossier,

  • la date de naissance exacte,

  • sa commune de résidence,

  • sa profession.

J’ai alors envoyé un courrier aux Archives nationales (site de Pierrefitte), avec :

  • le numéro du dossier de naturalisation,

  • le nom BRICHNATSCH / BRISCHNATZ,

  • la date de naissance,

  • la commune : Marckolsheim,

  • et la justification de ma demande pour recherches généalogiques.

Quelques semaines plus tard, la réponse arrive :

Le dossier existe.
Il sera numérisé et transmis.

Et peu après, je recevais un fichier PDF de 22 pages.

Ce fut un choc.


✦ 7. L’ouverture du dossier : 22 pages qui changent tout

Le dossier comprenait des documents d’une richesse insoupçonnée :



✔ une transcription certifiée de son acte de baptême

  • datée du 23 octobre 1776,

  • rédigée en latin,

  • avec les noms exacts des parents,

  • le parrain,

  • la paroisse : Merlenschütz.

Cette transcription est la seule trace existante :
en effet, les registres originaux pour l’année 1776 n’existent pas dans les archives actuelles (le registre consultable en ligne s'interrompt avant).

Sans ce dossier, sa naissance aurait été impossible à prouver.


✔ des attestations de moralité et de conduite

écrites par :

  • le maire de Marckolsheim,

  • l’inspecteur des Douanes,

  • des voisins,

  • des autorités locales.


✔ des certificats professionnels

qui détaillent :

  • son entrée dans les Douanes,

  • son ancienneté,

  • ses différents postes,

  • et son intégration dans l’administration.


✔ des documents militaires

dont un passage crucial :

en 1815, il reçoit un coup de feu à la tête,
ce qui l’empêche de continuer son service.

Cette blessure, inconnue de la famille et absente des archives classiques,
explique sa mise en retraite.


✔ un arrêté de retraite (8 juillet 1818)

L’administration y fixe :

  • sa durée de service,

  • son grade,

  • sa pension : 300 francs,

  • et sa situation personnelle.


✔ des correspondances internes

entre :

  • le Directeur général des Douanes,

  • le Préfet,

  • les autorités locales.

Autant d’éléments qui permettent de suivre, presque jour par jour,
son parcours administratif entre 1796 et 1820.


✦ 8. Pourquoi ce dossier était indispensable

Avant sa découverte, j’avais :

  • un lieu de naissance faux ou déformé,

  • une date approximative,

  • aucun acte en Bohême,

  • pas de mariage,

  • un ancêtre étranger arrivé “de nulle part”.

Grâce au dossier :

  • j’ai eu la date exacte de sa naissance,

  • son vrai nom,

  • le nom réel de sa paroisse d’origine,

  • la copie certifiée de son baptême,

  • l’explication de son arrivée en Alsace (prisonnier en 1796),

  • l’explication de l’absence de mariage (statut de prisonnier assigné),

  • le détail complet de sa carrière dans les Douanes,

  • sa blessure,

  • sa retraite en 1818.

Sans ces 22 pages,
la vie de Jean BRISCHNATZ serait restée opaque et incompréhensible.
➡ Avec elles, il retrouve son histoire, son parcours, son identité.

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