Télésphore, l’exilé de la misère
Des rives du Rhin aux collines de Kabylie, une vie sans terre, sans père, sans retour.
Il naît un matin d’hiver, le 4 janvier 1829, dans le village de Marckolsheim. Un petit garçon sans père, dans une maison sans hommes. Sa mère, Madeleine, n’a que vingt ans. Elle élève seule ses enfants, comme elle peut, dans l’ombre d’un père douanier mort trop tôt, dans une Alsace qui change de main, de langue et d’avenir à chaque génération.
Télésphore est confié jeune à sa grand-mère. Il grandit entre femmes, entre absences. Très tôt, il apprend le travail. Journalier, il loue ses bras à la journée, sans jamais se fixer. Mais en 1856, il tente d’ancrer sa vie autrement : il épouse Anne Marie Liebert, issue d’une autre lignée modeste. Ils s’installent à Colmar, 19 Grande Rue de l’Ours, au cœur de la vieille ville populaire.
Ils auront quatre enfants. Mais l’un d’eux, Georges, meurt bébé. Le deuil s’invite tôt dans leur foyer.
Alors, en 1875, ils tentent tout quitter. Télésphore a 46 ans. Jean a 18 ans, Joseph 16 ans, Anna 10 ans. Tous ensemble, ils prennent le bateau pour l’Algérie. Direction : Ouled Kattach, à treize kilomètres de Dellys, une concession isolée sur les hauteurs.
La terre est ingrate. Les conditions sont dures. Ils tiennent quelques années.
Mais les années là-bas ne sauveront rien. Anna meurt à 14 ans, en 1879. Anne Marie, la mère, s’éteint en 1883. Joseph, à peine adulte, meurt en 1886. Un à un, ses enfants s’éteignent sous le soleil d’Afrique, comme s’ils n’avaient jamais quitté l’ombre de leur destin.
Seul Jean, l’aîné, résiste encore. Il est le dernier. Mais il meurt à son tour en 1890, à 33 ans. Et cette fois, Télésphore reste seul. Vraiment seul.
Il finit sa vie sans domicile, à Mustapha, dans la banlieue d’Alger. On le retrouve avenue Maillot, sans adresse, sans famille.
Il meurt le 7 novembre 1895. Il avait 66 ans.
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