Elle s’appelait Généreuse Jacquemin.
Née en 1809 dans les Vosges, son prénom rare portait déjà une promesse singulière. Mais sa vie, elle, fut faite de ruptures, de veuvage et de silences.
Une jeune épouse de soldat
À la fin des années 1820, Généreuse rencontre Jean-Joseph Fischer, caporal du 5ᵉ régiment d’infanterie légère, alors en garnison dans les Vosges.
Ils se marient en janvier 1829 à Schirmeck. Huit jours plus tard, leur premier fils naît. Deux autres enfants suivront rapidement : un garçon en 1830, une fille en 1832.
Mais Jean-Joseph est militaire. Les enfants grandissent avec une mère présente… et un père souvent absent.
Le veuvage à 30 ans
En 1839, tout bascule. Jean-Joseph meurt à l’hospice militaire de Châtellerault, à 38 ans.
Généreuse a alors 30 ans. Trois jeunes enfants, aucun mari pour revenir. Comme beaucoup de femmes de soldats, elle se retrouve seule, pauvre, veuve trop tôt.
Une nouvelle naissance
En 1841, une petite fille vient pourtant au monde à Meulan, sur les bords de Seine.
Elle s’appelle Louise Alexandrine.
Le père la reconnaît officiellement : c’est Louis-Alexandre, capitaine du 5ᵉ régiment d’infanterie légère.
Le prénom choisi est révélateur : Louise pour Louis, Alexandrine pour Alexandre. Comme un sceau paternel apposé sur l’enfant.
Dans l’acte de naissance, Généreuse n’est pas mentionnée comme « veuve Fischer », mais seulement comme « mère ». Déjà, son identité semble s’effacer.
L’enfant enlevée
En 1846, Louise Alexandrine quitte Meulan. Elle est emmenée à Paris par la sœur du capitaine, nouvellement mariée.
Tout indique que Généreuse n’a pas eu le choix. Le père, capitaine, plus haut placé dans la hiérarchie sociale, pouvait imposer sa volonté. L’enfant lui appartenait légalement : il l’avait reconnue.
Pour Généreuse, ce n’est pas une séparation consentie. C’est un arrachement.
À Paris, une recherche vaine
En 1855, on retrouve Généreuse… à Paris.
Pourquoi aurait-elle quitté Meulan, où ses trois premiers enfants avaient grandi, sinon pour chercher celle qu’on lui avait prise ?
On imagine une mère parcourant les rues de la capitale en espérant croiser le visage de sa fille. Mais cette quête resta vaine.
En 1862, lors du mariage de Louise Alexandrine, l’acte ne laisse aucun doute : la mère est déclarée « disparue ».
Aux yeux de la loi, et peut-être aux yeux de sa propre fille, Généreuse n’existait plus.
Une vie effacée
Pourtant, elle vivait toujours.
Restée à Meulan, entourée de ses trois enfants Fischer, Généreuse s’enracina dans une vie modeste, marquée par un secret que l’on taisait peut-être.
Elle mourut en 1881, à 72 ans, dans cette même ville.
Une mémoire à raviver
L’histoire de Généreuse est celle d’une femme du XIXᵉ siècle confrontée à toutes les épreuves :
-
veuve à 30 ans,
-
mère d’une enfant enlevée,
-
effacée des registres officiels.
Jean-Joseph, son mari, est mort seul dans un hospice militaire.
Elle, Généreuse, a vécu longtemps… mais dans le silence, privée d’une partie de sa descendance.
Aujourd’hui, son nom ressurgit.
Elle n’est plus seulement une note en marge des registres. Elle est une femme qui a aimé, perdu, et dont la mémoire mérite d’être rallumée.

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