Il arrive parfois que la généalogie nous mette face à un prénom qui détonne. Parmi des Élisabeth, François, Marie Anne ou Victor, surgit tout à coup un nom inhabituel, presque incongru : Généreuse. C’est le cas d’une petite fille née le 27 février 1805 à Belonchamp, dans les vallées de Haute-Saône.
Ses parents, originaires des Vosges, n’avaient rien de “révolutionnaires” dans leurs choix habituels. Les frères et sœurs de cette enfant portaient tous des prénoms classiques, solidement ancrés dans la tradition. Alors pourquoi ce prénom singulier, donné une seule fois, à un seul enfant ?
Le prénom comme vertu
Le mot généreuse vient du latin generosus, qui signifie à l’origine “de noble naissance”, puis “magnanime, plein de bonté”. Dans la France catholique d’Ancien Régime et du XIXᵉ siècle, ce type de prénom dit “vertu” n’est pas inconnu : Constance, Espérance, Prudence, Modeste en sont d’autres exemples. Mais Généreuse reste rare, marginal, presque audacieux.
Une sainte Generosa, martyre africaine du IIᵉ siècle, est célébrée le 17 juillet, mais son culte est resté discret. Rien qui puisse expliquer une diffusion large.
Une mode locale
Le hasard des archives montre pourtant que Généreuse n’était pas une fantaisie isolée : dans la décennie 1800–1810, on trouve au moins huit petites filles prénommées ainsi à Fresse, et plusieurs autres à Belonchamp, tout près. On est en pleine période de renouveau religieux après la Révolution et le Concordat. Dans certaines paroisses, les prêtres encouragent des prénoms-vertus comme un signe de foi retrouvée.
C’est dans ce climat particulier que les parents de notre petite Vosgienne, établis temporairement en Haute-Saône — le père étant maréchal-ferrant itinérant —, ont choisi de s’inscrire dans le mouvement. À Belonchamp, on appelait alors plusieurs filles Généreuse : la leur en sera une de plus.
Une trace unique
Mais une fois rentrés dans leurs Vosges natales, la mode ne suivra pas. Les enfants suivants reprendront des prénoms classiques, oubliant l’originalité du passage en Haute-Saône.
Ce prénom rare restera donc comme un témoin d’un instant précis : un village, une décennie, un courant religieux local, et des parents qui, juste “au bon endroit, au bon moment”, ont choisi pour leur fille un nom qui interpelle encore deux siècles plus tard.

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